Typographisme

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Une question délicate : les capitales dans les titres

À la demande générale, une tentative de synthèse des (pas tout à fait) 478 règles de l’Imprimerie nationale pour la composition des titres. Je tire directement ces recommandations de l’ouvrage de référence Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale, bouquin à peine rébarbatif et indispensable si l’on a le souci du bonfrança™ à l’écrit.

Règle générale

Lorsqu’on cite le nom d’une oeuvre d’art, d’un ouvrage ou d’une publication dans du texte courant :

  • On reproduit exactement la dénomination choisie par l’auteur.
  • On utilise l’italique.
  • On met une capitale au moins au premier mot.

Par exemple :
En ne considérant Piège de cristal qu’à l’aune du maoïsme chancelant, on oublie trop rarement de mentionner que ce long-métrage est une interprétation moderne de Huis-clos, et donc une oeuvre profondément existentialiste.

Commençons par le début :
traitement de l’article défini initial

Il arrive fréquemment que le titre commence (ou semble commencer) par un article. Il y a alors trois cas de figure :

  1. L’article fait partie du titre et il est écrit en entier dans la même langue que le titre[1], Le Monde ou The Night before Christmas par exemple. L’article est composé en italique et il prend une capitale.
  2. L’article fait partie du titre mais il ne figure pas en entier, comme dans « J’ai envoyé une lettre d’insultes à un journaliste du Figaro. » Ici, l’article original disparaît dans la contraction « du », il doit donc être composé en romain, sans capitale.
  3. L’article défini ne fait pas partie intégrante du titre, il est là par commodité, pour désigner l’ouvrage, l’Odyssée par exemple. Dans ce cas, l’article reste en romain et en bas-de-casse.

Si l’ouvrage dont vous citez le titre est un de vos proches et que vous l’appelez par son petit nom, l’article reste en romain, sans capitale, comme dans la phrase : « Il ne peut rien m’arriver, j’ai le Guide dans ma poche et une serviette de bain dans mon sac. » (et ce, que l’article fasse ou non partie intégrante du titre).

Ça va ? Jusqu’ici vous suivez ? Fort bien. Parce que c’est pas fini.

Emploi des capitales dans les titres

Si nos ennemis héréditaires amis anglais se simplifient l’existence en mettant des capitales partout ou presque, ce qui est bien souvent assez disgracieux mais c’est leur problème, nous autres francophones avons une palanquée de subtilités à connaître (autrement dit, bouquemarquez ce billet ou faites un coin à la page 169 du Lexique).

Le cas facile : le titre ne commence pas par un article défini

On arrête tout de suite de se poser des questions, on met une capitale au début et le reste en bas-de-casse. Sauf en cas de nom propre, naturellement. Quelques exemples :

  • Ding ding dong, sur la balustrade
  • Fantaisie finale VII
  • Ne dis pas à ta mère que j’ai cassé la cafetière

L’autre cas.

On prend une grande respiration, et on y va. Après tout, il n’y a que quatre sous-cas.

  1. Le titre est une phrase, par exemple Le petit lapin est malade (mais en fait c’est juste une appendicite et après il va mieux et l’infirmière est très gentille). On se contente d’une capitale au premier mot, l’article donc.
  2. Vous citez le titre d’un ouvrage spécialisé pour vous la raconter grave, comme Le rire de Spinoza. Tout pareil, une capitale au début, et c’est tout. On n’est pas là pour rigoler.
  3. Le titre présente une symétrie évidente, comme dans l’ouvrage de référence de Dan Brown Anges et Démons. Dans ce cas, on met une capitale au premier mot, puis au terme avec lequel il est mis en parallèle.
  4. Votre titre ne rentre dans aucune des catégories ci-dessus, ce qui vous déçoit un peu, on le comprend aisément. Vous devez alors mettre une capitale à l’article, bien sûr, puis au premier nom, mais aussi aux adjectifs et adverbes qui précèdent ce nom. Ce qui nous donne, par exemple : La Triste Histoire de Marguerite qui jouait si bien du violon.

Quelques bonus

Parce que vous commencez à aimer ça, je le sais.

Titres doubles

Les titres doubles se répartissent en deux cas :

  1. Les titres des oeuvres qui parlent d’une oeuvre (qui parle d’un oeuvre), par exemple, Comment j’ai réécrit les Frères Karamazov parce que Dostoïevski s’était trompé.
  2. Les titres d’oeuvres des auteurs indécis, comme Philosophie minimaliste ou l’Art d’améliorer les nouilles instantanées.

Si vous êtes observateur, vous aurez remarqué que l’on met les capitales comme si le second titre était seul, à l’exception de l’article défini (s’il y en a un) qui reste en bas-de-casse. Et vous aurez tout compris.

Titres successifs

C’est un cas que l’on rencontre souvent lorsqu’on rédige une bibliographie, lorsqu’on veut, par exemple, citer un article d’une revue. La vénérable Imprimerie nationale suggère le modèle suivant : « Titre de l’article », Titre de la revue. Comme ça vous ne vous tromperez pas lors de votre prochain compte-rendu de lecture de La Vie du rail.

Titres à laisser en romain

Pour terminer, parce qu’il faut bien, une liste d’exceptions (cris de foule en délire). Les titres des ouvrages suivants ne se composent pas en italique mais en romain bien droit dans ses bottes :

  • « Les noms des codes et recueils semblables », comme le dit joliment le Lexique : le Code civil, le Décalogue, etc.
  • Les noms des actes officiels
  • Les titres des livres sacrés
  • En art, les sujets un peu marronniers du genre la Crucifixion.

Je sais qu’on s’amuse bien et qu’on voudrait que cette fête n’ait pas de fin, mais point trop n’en faut, et c’est pourquoi je vais attendre un petit peu avant de vous parler de l’abréviation des grades militaires, sujet tout aussi croustillant sinon plus (le prestige de l’uniforme, tout ça).

1. Je précise dans la même langue que le titre, parce que si vous écrivez « Je lis le Times et le Guardian tous les matins », l’article défini le, pourtant traduction du The qui fait partie du titre original, doit rester en bas-de-casse (et puis je ne vous crois pas une seule seconde). [retour]

dans Règles & usages Par Anne-So